• Structures caractérielles et personnalités secondaires
W.Reich définit le caractère comme étant la somme des résistances du patient et que «la résolution systématique des résistances caractérielles nous fournit une voie d’accès infaillible et sûre au conflit central d’origine infantile» . Ce qui veut dire qu’en mettant à jour le caractère du patient, celui-ci va devenir moins actif, donc moins en résistance. C’est ainsi que l’inconscient du patient pourra laisser émerger des parties refoulées à la conscience (matériel thérapeutique) qui permettront au patient de les travailler en séance, notamment les blessures subies pendant l’enfance. Qui sont, vous l’aurez compris, à l’origine de la création du caractère, personnalité secondaire, ou encore part névrotique Lise Bourbeau (52), dans son livre « les 5 blessures qui empêche d’être soi-même (53)», fait une lecture simplifiée de ces blessures infantiles, qui créeront 5 masques différents (5 caractères), la blessure de rejet qui donnera un profil de fuyant relationnel, la blessure d’abandon qui donnera un masque de dépendant, la blessure d’humiliation qui donnera un masque de masochiste, la blessure de trahison qui donnera un masque de contrôlant et enfin la blessure d’injustice qui donnera un masque de rigide. Ce qu’elle appelle masques, c’est ce que nous appelons la personnalité secondaire et ce que j’appelle les gardiens, et qui se traduira par des comportements mis en place dès le plus jeune âge pour éviter de ressentir la blessure. Elle parle elle aussi d’aspects physiologiques et morphologiques significatifs en fonction de chaque blessure.
Ce que je nomme ici les gardiens, sont en fait les résistances en lien avec notre «caractère», qui sont installées par la psyché et le corps de l’enfant pour venir protéger sa partie la plus pure (en biodynamique, nous l’appelons « le noyau sain » (voir article 1 tout commence par un frottement). Ces gardiens vont permettre à l’enfant d’interagir avec l’extérieur, sans qu’il ne soit, ni trop dangereux, ni trop souffrant. Mais aussi de le protéger de ses propres pulsions inconscientes, qui pourraient le mettre en danger ou qui ne seraient pas adaptées aux règles du monde qui l’entoure. «Pour Reich le caractère forme une cuirasse (un rempart) qui protège la personne des agressions externes et internes (54)». Les structures caractérielles, sont différentes pour chacun d’entre nous, puisqu’en lien direct avec notre histoire personnelle. Elles sont référencées dans les grandes lignes, par la façon dont sont organisées les défenses qui vont provoquer les réactions psychiques, mais aussi physiques du patient, quand il se sent mis en danger, pris à défaut, attaqué physiquement ou psychiquement. Cela va aussi se traduire au niveau du corps par des tensions musculaires spécifiques à chaque caractère. C’est en faisant le lien entre les défenses musculaires (pulsions et émotions refoulées qui forment la cuirasse musculaire), les défenses psychiques et les réactions comportementales (protection contre les agressions externes et internes) que Wilhelm Reich, va faire naître le lien entre Corps et Psyché. Comme je l’expliquais brièvement plus haut, un enfant qui a reçu des coups va développer une structure caractérielle en réponse à cette agression physique et psychique, qui sera donc différente de l’enfant qui aura eu un problème d’abandon à sa naissance par exemple. La structure caractérielle est en lien direct avec le développement de l’enfant et les étapes qu’il a à franchir dans son évolution. Là encore, tout va être une histoire de lien, de lien à la mère, mais aussi avec lui-même et avec son environnement. La part névrotique de la personnalité de chacun d’entre nous (noyau de la souffrance) ne se développera pas à cause d’évènements sporadiques, comme une fessée isolée et accidentelle, mais plutôt à cause d’un « climat » ambiant familial. Par exemple, un climat de menace permanente, le père qui, de par son attitude, sans rien dire, sème la terreur dans la maison. Ce comportement parental va créer un stress permanent dans le corps et la psyché de l’enfant vivant dans cette ambiance. Il va alors se développer structurellement avec ce stress, ce qui impactera sa structure musculaire, osseuse, son positionnement corporel, et sa façon de penser, d’aimer, de ressentir comme si ses cellules s’étaient imbibées de ce climat à force d’y être baignées... Un climat dépressif, amené par l’état d’un des parents viendra là aussi impacter mentalement et physiquement le développement du petit enfant. La liste est longue de tout les potentiels perturbateurs externes qui vont venir marquer la sensibilité infantile, de telle manière qu’elle va créer des protections physiques et psychiques, pour préserver son essence subtile.
La part névrotique est aussi marquée et largement influencée par les étapes du développement psychosexuel par lesquelles l’enfant va devoir passer pour grandir. Elles ont était d’abord développées par Freud et sont en lien avec les stades précoces du développement sexuel chez l’humain, avant et au début de la puberté, avant le début de la sexualité adulte (oral, anale, phallique, latente génitale). W. Reich les à reprisent et redéfinies, « L’idée de base est assez simple : à mesure que l’enfant grandit, différentes zones de son corps vont se trouver au centre de ses préoccupations – «investies», dans la terminologie psychanalytique. Et parallèlement, des besoins psy-chiques spécifiques vont se manifester; la manière dont ces besoins seront satisfaits (par ses parents) va déterminer la suite du développement, et, potentiellement, l’émergence de certaines difficultés spécifiques. » (55). L’idée étant de laisser l’énergie circuler librement dans le corps du nouveau né et plus tard de l’enfant.
Si Le bébé ne trouve pas un regard accueillant à sa naissance alors l’énergie dite « libidinale » va se « retirer » de cette zone (la désinvestir) se qui va créer un blocage «la bio-énergie suit la peau et les membranes. l’énergie suit les membranes comme dans des câbles conducteurs d’électricité. [.. la libido était donc une énergie cosmique qui, lorsqu’elle circulait dans le corps, engendrait le plaisir. l’énergie cosmique caressait les tissus, les zones érogènes et provoquait des : sensations de plaisir. » (56) Beaucoup de facteurs vont agir sur ce stade car il est en lien avec l’incarnation, la sensation d’être bienvenue dans ce monde. Il va s’agir par exemple de la façon dont le bébé va être conçu (est-il un enfant voulu ou un accident ? Arrive-t-il après une fausse couche ou un décès dans la famille ?) La qualité de sa vie intra-utérine, qui sera directement liée avec l’état de sa mère (la mère est elle épanouie ou au contraire stressée, soutenue ou vit-elle une forme d’isolement ou d’abandon?) Sa naissance (le bébé a-t-il été accueilli par sa mère, est-il né par voie basse ou par césarienne ? a t-on provoqué sa venue au monde ? Ou lui a-t-on laissé le temps ? Avec ou sans péridurale?)
Sa mère va-t-elle pouvoir répondre aux besoins physiologiques et affectifs de l’enfant, comme l’enfant en a spécifiquement besoin ? Va-t-il être nourri au sein ou au biberon ? Va-t-il être regardé, stimulé, massé, caressé avec justesse ? Comment va-t-il être sevré ? Va-t-il pouvoir dormir à son rythme ? Va-t-il manger à sa faim et quand il en ressent le besoin ? « Les fonctions liées à la nourriture, du fait de leur importance pour la survie, ont un statut un peu à part. la première « empreinte» touche les yeux, et il est important que le premier accueil soit bon. mais la deuxième sphère de satisfaction ou de frustration va rester critique plus longtemps. Dans le cas idéal, les besoins liés aux deux zones, oculaire et orale, devraient être satisfaits conjointement – une mère qui allaite son enfant regarde généralement son bébé, et l’allaitement reste la voie naturelle pour nourrir un bébé et pour maintenir un contact sain et simple avec lui. » (57)
La encore, l’enfant va-t-il avoir accès à son indépendance lorsqu’il va être en âge d’explorer le monde ? Ses parents vont ils respecter son rythme en terme de propreté, va t il pouvoir faire ses besoins dans son pot quand se sera le moment pour lui ou sera il mis sous pression de façon a ce que tous ses muscles se contracte (serrer les fesses, les cuisses et le plancher pelvien) car ses sphincters ne sont pas encore en âge de contenir ses besoins. le fait d’acquérir ce contrôle va lui donner la sensation d’quérir par la même occasion un certain pouvoir sur sa vie (il peut faire ses besoins quand il le décide et ou il le décide) Si il est stoppé dans ce stade du développement par des parents trop pressé que leurs enfants soit « propre » alors le tout petit se sentira comme dépossédé d‘une partie de son pouvoir de décision.
L’enfant va il avoir accès a ce stade de son développement librement où va-t-il subir des frustration. Ses limites physiques et émotionnelles vont-elles être respectées ? Outre le fait, de stopper petites filles et petits garçons dans la découverte de leurs sexes (en prétextant que « c’est sale » ou que « c’est dangereux »). Un parent peut aussi se servir de son enfant « contre » l’autre, en faisant de lui par exemple sa « petite femme » ou son « petit homme », on le voit souvent dans des cas de familles séparées ou dans des couples en conflit sexuel, qui mettent leur enfant à une place qui n’est pas la sienne, dans le but conscient ou inconscient de punir l’autre en le remplaçant.
Si tous les autres stades se sont passés simplement et que l’énergie libidinale circule librement dans chaque partie du corps, alors l’enfant pourra avoir accès à son coeur et pourra developper des sentiments pour d’autres personnes que sa mère et son entourage proche (dont il est moins dépendant). C’est ce stade, avec celui du génital, qui va déterminer en grande partie la qualité de la sexualité de l’enfant devenu adulte. Si la circulation énergétique se fait librement entre son coeur et son sexe il pourra aimer la personne avec qui il fera l’amour. Si ce n’est pas le cas et qu’il y a des coupures dans la zone entre coeur et sexe, alors l’enfant devenu adulte aura du mal à combiner amour et sexualité.
C’est la zone de l’intuition, de la perception et de la compréhension fine du monde et de soi, c’est un stade qui est très souvent perturbé et bloqué par l’éducation, la société et le formatage scolaire. Autant d’étapes et de facteurs qui peuvent venir marquer la vie de l’enfant et créer le nœud de souffrance. « la névrose est le simple effet de l’interruption du flot de circulation d’énergie. (…) La source profonde de la névrose réside dans la permanence du sentiment d’insécurité, du sentiment de ne pas être aimé. Si l’expression émotionnelle n’est pas autorisée dans le milieu familial et que l’enfant n’a aucun moment à lui pour sa circulation libidinale, il devient névrosé. L’enfant prend l’habitude de refouler ses traumatismes, ses conflits et tous les obstacles qu’il rencontre. » (58) Cela va aussi, bien sûr, dépendre de la façon dont ses parents vont se comporter entre eux mais aussi avec lui. Un enfant qui deviendra le confident de sa mère, développera une structure différente de celui dont le père occupe une place juste, venant poser des limites saines dans le lien entre la mère et son enfant.
Cette liste d’étapes que va traverser l’enfant pour se construire, est le même cheminement par lequel tous les bébés doivent passer pour atteindre l’autonomie, physique, mais aussi affective. Si ces étapes ne se déroulent pas au mieux (comme je l’ai montré dans le début de ce mémoire) l’enfant risque de rester bloqué à une des étapes de son développement. Par exemple si l’enfant n’est pas accueilli avec amour par sa mère à sa naissance (pour diverses raisons inconnues du bébé naissant) cela va créer une grande souffrance chez le nourrisson (l’abandon, le vide, l’incompréhension). La psyché va alors développer une protection inconsciente pour ne pas que cette souffrance puisse être ressentie une nouvelle fois un jour. Alors la prochaine fois que l’enfant ne se sentira pas accueilli ou qu’il se sentira abandonné, sa structure caractérielle se mettra en marche et fera réagir l’enfant d’une manière qui lui permettra d’éviter, d’amoindrir ou de se couper de la souffrance. C’est cette manière de réagir que nous appelons résistance et que moi j’appelle les gardiens. C’est en les identifiant que nous allons pouvoir repérer les souffrances qu’aura subi le patient afin de l’accompagner au mieux dans son processus et la découverte de ses mécanismes réactionnels. Sachant qu’en général ils sont devenus obsolètes à l’âge adulte, mais, comme ils sont inconscients, ils nous font reproduire toujours les mêmes situations et génèrent beaucoup de souffrance. L’adulte aurait d’autres moyens de se protéger, voir même n’aurait plus besoin de se protéger ni de lui ni des autres. Mais les gardiens sont comme des remparts infatigables et très entraînés, ayant été mis en place dès le plus jeune âge, pour venir protéger l’essence même de l’adulte qui se présente dans notre cabinet et qui lui ont sûrement permis d’être encore en vie aujourd’hui. Et ce, malgré des parcours de vie que les êtres humains de cette société ont à endurer. C’est donc avec ces gardiens qu’il va falloir faire alliance au cours du cheminement thérapeutique pour qu’ils prennent confiance et baissent progressivement leur garde pour permettre au patient d’avoir accès à la souffrance qui les a générée. Pouvoir laisser s’exprimer les émotions qui ont été réprimées durant tellement d’années et qui souvent finissent par créer des dysfonctionnements relationnels, des maladies chroniques, des douleurs physiques et psychiques… C’est en passant en douceur sous les cuirasses, en les laissant doucement fondre, grâce à l’accueil inconditionnel de la thérapie biodynamique, mais aussi grâce aux massages et autres pratiques corporelles que le patient va pouvoir re-créer du lien avec sa personnalité sensible et laisser émerger son noyau sain.